Je vis, enfin.
Dans mon ventre ce
petit être grandit, je prends soin de moi afin qu'il se sente
bien.
Je me sens bien, de tous les médicaments que j'avais avant
je n'en ai plus un. Cela étonne certains médecins que je croise,
oui je vais bien, plus que jamais je me sens vivre!
Je m'approprie
ma vie,mon style, mon appartement, mon rythme.
Je vis la nuit, car
j'aime la nuit, son silence, son calme, ses gens qui sont endormis et
moi qui m'active, je change sans cesse l'arrangement des meubles, je
fait mon ménage. Le jour je dors, je me lève vers 14h.
Je vais
me balader avec ma mère et la future marraine, qui s'avèrera ne pas
l'être..
On prends soin de moi.
J'ai la chance de ne pas
devoir travailler, les médecins on fait une demande de rente
d'invalidité, le dernier médecin que j'ai eu décide qu'il ne
faudrait pas que je travaille, avec ce que j'ai subi, j'ai le droit
de m'occuper de mon fils sans autres soucis.
Je décide de
l'appeler Camille, le 2ème prénom de mon grand-père. Dès le 6ème
mois je m'attaque aux faire-parts, je les fait moi-même et prends du
temps.
Je bricole beaucoup, je passe par la création de foulards
en soie à la poterie.
Je fais des puzzle d'Anne Geddes que je
mets sous cadre, je laisse couler quelques larmes d'un mélange de
joie intense et inquiétude terrible devant ces petits bébés dans
ces tournesols.
7ème mois, devant la télé, "Lucas"
, Lucas sera son prénom. Une révélation, une voix, un choix imposé
ou pas, mais de qui? Je ne sais pas mais je me suis levée, j'ai pris
les faire-parts et ai rajouté à la plume Lucas devant le prénom
que j'avais choisi. Il y avait sur chaque assez de place et cela ne
choquait pas.
Dans la fin d'après-midi je l'ai annoncé à ma
mère qui est restée très très étonnée, cet enfant nous
l'appelions Camille depuis 3 mois!
Non, dorénavant ce sera
Lucas.
A chaque alertes, chaque petits changements je me rends
à l'hôpital, ils me rassurent, m'explique que la raison pour
laquelle je suis venue est normale, la situation n'est pas
inquiétante, elles prennent tout de même le temps de me renseigner,
je ne viendrais plus pour cette raison.
Mon Lucas a une
echtrodactylie, une malformation de la main droite. Le gynécologue
qui avait découvert la grossesse avait remarqué qu'il y avait un
problème à cette main et avait décidé de m'envoyer faire une
échographie au CHUV à Lausanne.
J'en ai fait 3 et une
amniosynthèse, j'ai paniqué pendant 2 jours car l'on m'avait
précisé qu'il y avait 3% des mamans qui perdaient leurs bébés
dans les 48h. Mais je savait que je ne le perdrais pas, il s'est
battu les premiers 4mois et demi alors il n'allait pas me lâcher
là.
Les 3 échos n'ont pas donné grand chose, je n'en savais pas
plus, ils m'ont dit à la première,
- Mme, vôtre fils n'aura
que le pouce, l'index et l'auriculaire.
D'accord, il pourra
faire la pince donc saisir les objets, ce n'est pas grave.
La
2ème:
-Mme, vôtre fils n'aura pas de pouce, il aura l'index et
le majeur collé ensemble et les autres seront des moignons.
J'ai
dit d'accord, il aura une atèle pour faire un pouce et l'on pourra
surement décoller les 2. C'est pas grave, on verra.
La
3ème;
-Mme, vôtre fils aura le pouce mais tous les autres ne
seront que des moignons a moins que peut-être, on est pas sur il y
ait l'index.
J'ai dit ok, vous n'en savez rien. Je
verra, quoi qu'il en soit, mon fils s'y habituera.
Ils m'ont
tout de même enlevé un poids, moi qui croyait que cela venait d'un
des médicaments que j'avais pris, ils m'ont montré que non, ça
vient de moi, c'est dans mes gènes mais c'est pas ce que j'ai ingéré
qui lui a fait ça.
9ème mois de grossesse, tout est prêt
mon Lucas peux arriver. Alors j'attends, le temps est long. Je change
la disposition de la chambre sans cesse, j'achète des petits
habits.
La date prévue, rien. Je râle. Mais que fais-tu??
2
jours après, je suis en ballade avec ma mère et la future marraine
qui doit être présente à l'accouchement, elles me disent, tu es
gonflé, le visage, les mains..
Je monte à l'hôpital, -vous avez
la tension plus haute qu'à votre habitude Mme, nous allons vous
garder et provoquer l'accouchement demain matin.
Voila ça y
est, tout est en route.
4h du matin, une injection. 1ère
contraction, mais selon 'infirmière des mauvaises elle les stoppe
avec une autre piqure. Je râle un peu.
Ma mère arrive à
7h45 avec la future marraine, parfait puisqu'à 8h on m'emmène en
salle, On va commencer, qu'elles me disent, le sérieux commence, ça
va plus rigoler , qu'elles rajoutent. C'est vrai je ne rigolerai plus
très longtemps..
Tout commence normalement, bonnes
contractions, que je supporte assez bien.
Midi ma mère et la
future marraine partent manger, moi ça va, je me pose la question
pour la péridurale. Je n'aurai pas dû, si 'j'avais su!
Quand la
future marraine reviens, je lui dit qu'elle demande pour la
péridurale malgré mon angoisse terrible de celle-ci.
L'anesthésiste arrive dans la chambre
avec comme bonjour, les différents risques que provoque une
péridurale.
Je lui crie de se taire, que je les connais, mais il continue, en
me demandant si je suis toujours d'accord, je pleure et tremble
tellement que je saute, mais je lui dis oui, j'aurai du dire non.
Il
me pique, il y arrive malgré mes mouvement de panique.
Elle
me soulagera 30 min , puis ce sera le début d'un calvaire,
impossible à expliquer donc compris qu'à la fin par le médecin
accoucheur.
Je sentais tout , sauf mes jambes. Elles me disaient
de pousser, mais mes contractions ne duraient pas. Elles avaient
diminuées, elles duraient 2 min. Je poussai dans le vide, depuis 14h
à 16h.
16h ils se rendent compte qu'il faut faire quelque chose,
je m'épuise et Lucas est coincé au même point depuis 2h, il est en
souffrance.
Ils vont chercher les forceps. Je suis soulagée, ils
vont m'aider.
Je sens qu'il tire, pourtant je me sens bien, si
bien, mais je demande aux personnes autour de moi;
-pourquoi
j'arrive pas à ouvrir un œil? Hey! dites! pourquoi j'arrive pas à
ouvrir un œil??
je regarde partout, je vois l'infirmière qui
baisse le dossier de ma tête, une autre qui me pique la main,
entendant le médecin dire , vite vite injectez lui vite! Et je suis
si bien répétant cette phrase, car bizarrement je ne vois que d'un
œil.
La raison vous la connaitrez plus tard, comme moi je l'ai
su.
Je vois la sage femme prendre mon fils, le mettre dans un linge,
me le poser sur le ventre, ça y est tu es la!
Comme tu es beau,
tu pleures , tu cries, et sur moi tu te calmes, tout blondinet. Je
jette un œil à ta main, celle là ils ne me l'avait pas dit ceux du
CHUV, tu as une belle main, il te manque un doigt, mais tu as le
pouce, l'index, le majeur, un espace assez grand et l'auriculaire.
Tu
es parfait.
A nouveau je me sens bien, si bien, on te prends,
la sage-femme t'emmène, je t'entends pleurer.
La doctoresse qui
était là crie à la jeune de baisser mon dossier, cette stagiaire a
de la peine ça me fait bouger la tête
je sais pas pourquoi ils
veulent absolument baisser mon dossier pour me mettre la tête en
bas. La pauvre jeune, elle se fait engueuler.. Moi je souris, et lui
dis que c'est pas grave, je suis si bien.
Je vois cette dame
devant moi elle me recouds à ce qu'on dit.
On me ramène mon
fils, on le fait téter et on nous emmène dans la chambre.
Cela
fait 3 jours que mon fils est né. Je suis au téléphone avec son
parrain, la marraine est là, c'est la 1ère fois qu'elle vient me
voir. Elle m'entends dire:
-Oui ça c'est très bien passé, j'ai
eu mal à cause de la péridurale mais sinon ça s'est bien
passé.
Une fois raccroché la marraine les larmes aux yeux me
dit:,
-Comment tu peux dire que ça c'est bien passée?
je
réponds:
-Eh bien ça c'est bien passé non?
- Tu ne te
rends pas compte, tu as failli y passer 2 fois!
tu as fait
2 hémorragies graves.
-non , j'ai pas vu ça, moi j'ai tout
vu , j'ai tout suivi ce qu'il s'est passé.
-Ce n'est pas
possible, à chaque fois que tu es "partie" j'étais contre
toi , contre ton visage à te chuchoté, RESTE, RESTE avec
nous.
Voila, nous avons beaucoup discuté, et je lui ai
expliqué ce que j'avais vu et c'est bien ce qui ce passait lorsque
j'étais censé être dans un état limite de coma, puisqu'ils se
dépêchaient de me remonter la tension afin que je ne sombre pas
dans ce coma. Elle ne comprends pas, je ne comprends pas, personne ne
comprendra. Mais je suis là!
J'ai laissé une vie derrière
moi, je me suis éteinte et je suis re-née en même temps que mon
fils.
Nous sommes nés un jour d'hiver, un début d'année,
en fin d'après-midi.